Aujourd’hui, la menace de mort dans un combat en face à face, est inexistante pour la plupart d’entre nous. Et c’est tant mieux.
Le contre coup est que toute la notion de dépassement de l’ego pour se libérer de la peur de la mort, n’a plus réellement lieu d’être. Donc toute la partie plus liée à l’aspect spirituel a petit à petit été laissée de côté, pour être carrément oubliée pour la plupart d’entre nous.
Il peut bien encore y avoir un travail de dépassement de certaines peurs dans la pratique des arts-martiaux en compétition, mais rien de vraiment comparable, je pense, avec celui du dépassement de l’ego pour intégrer pleinement la notion de mort dans la vie.
On est aujourd’hui, d’une manière générale, dans l’inverse, c’est-à-dire une fuite et un refus de l’acceptation de la mort en la rejetant et en essayant de la reculer le plus possible. Mais ceci est un autre débat.
Les arts-martiaux d’aujourd’hui ont donc perdu, de par l’évolution de notre société notamment, ce travail de développement et d’éveil spirituel profond.
Un peu comme s’ils s’étaient asséchés, vidés d’une partie d’eux-mêmes.
On se retrouve donc, pour une immense et écrasante majorité, avec des disciplines qui pourraient s’apparenter à des coquilles vidées de leur essence à l’intérieur. Ces coquilles peuvent être jolies, spectaculaires, solides et avec une grande efficacité au combat de compétition ou même de rue, mais on retrouvera rarement ces trois facettes combinées (cf article précédent : Les arts-martiaux, un art de la paix ?).
Certaines, comme les disciplines modernes ou certaines manières d’aborder des disciplines plus anciennes, ne se focalisent quasiment plus exclusivement que sur l’aspect technique et physique du combat, même si elles peuvent encore transmettre certaines valeurs humanistes derrière.
Bien sûr, cette pratique va renforcer l’endurance, le cardio, etc… et donc la santé aussi, mais c’est plus un effet secondaire de la pratique qu’un but en soi.
Ici, on retrouvera peut-être plus des disciplines du style des boxes (anglaise, française, thaïe…), du full contact, du mma, ou encore du judo, karaté, jiujitsu, …
D’autres, ont même complètement perdu, ou au mieux réduit à très peu, leur application combat réel dans la manière de transmettre et de pratiquer et ne se focalisent quasiment exclusivement que sur l’aspect santé.
On retrouvera ici peut-être plus des disciplines du style Taiji, qikong, bagua…
Certaines en mixent encore deux, avec un travail interne qui renforce la santé en développant l’énergie et des applications combat parfois très réalistes, parfois un peu moins, suivant la manière de le transmettre et de le vivre.
On retrouvera ici peut-être des disciplines du style Wingchun, yiquan, shaolin, xingyi, kalaripayatt…
L’aspect spirituel continue parfois d’être transmis, mais souvent plus comme une philosophie intellectuelle, qui peut être parfois assez lointaine de la réalité de vie des pratiquants. Et ce n’est pas les 2-3 minutes de « méditation » qui sont de temps en temps pratiquées dans certains clubs en début ou en fin de cours qui vont réellement faire quelque chose.
D’ailleurs ce temps-là est en général plutôt utilisé, en démarrage pour poser le mental et se centrer sur le cours, et en fin pour calmer le mental et le corps afin de revenir à soi de manière à clôturer le cours. C’est une pratique qui permet d’apporter un certain cadre dans le cours et qui a toutefois l’avantage de donner un aperçu de pratique de méditation pour calmer et centrer le mental.
On est d’accord, c’est mieux que rien. Ceci étant on est loin d’une pratique d’élévation spirituelle pour se libérer des attachements égotiques.
Le spirituel est plutôt souvent devenu une pratique à part entière qui tend à ne se focaliser que sur l’aspect spirituel, en se désincarnant, en se séparant complètement du corps, et encore plus d’une application martiale.
Je ne dis pas qu’en essence, plus aucune discipline martiale ne possède cet aspect spirituel. Je dis juste que, d’une manière générale, peut-être par manque de compréhension, d’expérimentation, d’incarnation et de vécu de cet éveil spirituel de la part des instructeurs, et peut-être aussi de manque d’intérêt de la part des élèves, il n’est juste plus transmis, ou que seulement très partiellement.
On se retrouve donc aujourd’hui avec des arts-martiaux qui ne se focalisent quasiment plus que sur la santé et/ou le combat physique en laissant de côté cet éveil de l’esprit pouvant permettre d’atteindre cette vraie paix intérieure.
Les arts-martiaux aujourd’hui ne sont-ils donc vraiment devenus plus que des wushu (techniques de combat) ou des budo (chemin du combat), tel des techniciens du combat ?
Les arts-martiaux ne seraient-ils donc en fin de compte pas des arts de la paix ?
Je n’ai pas la réponse, je pose juste la question…
« Rare est la doctrine profonde.
Plus rare encore est le maître excellent.
Et chose infiniment plus rare est le disciple respectueux.
Quand ces trois conditions – étonnante merveille – sont réunies,
nombreux seront les gens de parfaites sérénité
qui surgiront à son imitation,
et la vérité se répandra. »
Auteur anonyme